Histoire Des Libertines (43) : Marie-Louise De Bourbon-Parme, Reine DEspagne Ou Le Ménage À Trois.
Marie-Louise de Bourbon-Parme (1751-1819) fut reine dEspagne de 1788 à 1808, en tant quépouse du roi Charles IV. Célèbre par les tableaux que fit Goya de cette famille royale dégénérée, elle est restée dans lhistoire pour le ménage à trois quelle a entretenu pendant 30 ans avec Manuel Godoy.
Les protagonistes de cette histoire sont antipathiques, pas seulement par lapparence que leur donne Goya dans ses portraits, mais pas leur comportement : un benêt qui découvre la liaison de sa femme au bout de trente ans, une reine adultère et nymphomane, un amant gigolo qui mit lEspagne en coupe réglée.
Mais incontestablement lépouse de Charles IV dEspagne méritait sa place parmi les « grandes salopes » de lhistoire !
SA DESTINEE : DEVENIR REINE DESPAGNE
Fille du duc de Parme, elle était la petite-fille de Louis XV et du roi dEspagne, Philippe V. Dès son enfance, elle fut destinée à épouser le Prince des Asturies, Don Carlos (1748-1819), qui sera roi dEspagne à partir de 1788.
Le mariage eut lieu en 1765. Le couple eut au total 15 s. Nous reviendrons sur la légitimité de certains dentre eux, qui fut mise en doute.
UN COUPLE SI MAL ASSORTI
La gracieuse et très féminine Marie-Louise n'avait aucun point commun avec son mari, être simple et un peu lourdaud.
Léducation de Charles avait été négligée volontairement par son père, le roi Charles III. Elevé dune manière monacale, promu au rang dinfant grâce à lidiotie de son frère aîné Philippe, le jeune Charles était un garçon écrasé par létiquette espagnole et affligé dune timidité que son ignorance rendait maladive. Ses seules passions étaient de jouer au violon et apprendre la menuiserie (comme Louis XVI) et enfin, comme tous les Bourbons, il adorait la chasse.
Les premiers mois de son mariage seront très durs pour la jeune femme : elle apprend à modérer sa vivacité naturelle mais se plaint dans les lettres à sa famille de son manque de liberté.
Marie-Louise obtient après insistance auprès de Charles III, lautorisation de se construire un petit palais, la Casa del Principe, dans les jardins du monastère de lEscurial où elle peut enfin se détendre et se soustraire aux espions de son beau-père : les moines et les laquais qui rapportent ses faits et gestes. Mais cet isolement intrigue et la Cour soupçonne Marie Louise dy cacher ses amants
Bien que mis en garde par son propre père, le roi Charles III, Charles IV ne fit aucun effort pour plaire à sa femme et ne prit même pas de précaution pour l'empêcher de tomber dans l'adultère.
Marie-Louise, frustrée par les caresses maladroites de son époux, se découvre très vite un tempérament de nymphomane : elle ne peut sempêcher de contempler avec envie les jeunes seigneurs qui entourent le prince des Asturies et jette finalement son dévolu sur le plus beau dentre eux : le comte de Teba. Marie Louise, les sens comblés par les étreintes plus raffinées de son amant, lui fait confiance : elle a tort, car, vaniteux, celui-ci proclame sa faveur. Effrayée à lidée que Charles III apprenne son inconduite, Marie Louise le chasse : le comte de Teba deviendra alors son ennemi le plus acharné.
Marie Louise a compris sa leçon : elle doit prendre ses amants au plus bas de léchelle et son intérêt se porte alors sur les gardes du corps. Ce sont des cadets, des hidalgos de province sans fortune, et leurs allées et venues passent inaperçues. Celui quelle désire, elle le prend sur lheure puis sen désintéresse. Ceux quelle retient plus longtemps sont, peu de temps après, chassés par le roi Charles III qui finit par réclamer une enquête. Marie Louise, prise de panique, prend le parti de sindigner, soutenu par son époux, qui voit en elle le modèle de toutes les vertus : elle écrit au roi « on cherche à me nuire auprès du roi, de mes s et de mon époux, qui, sil nétait aussi bon et chrétien quil lest pourrait prêter ouïe à de telles calomnies ».
Dès le début du règne de Charles IV, toute la Cour sait que cest Marie Louise qui gouverne. Charles IV part à la chasse de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 17 heures, hiver comme été, et naime pas être dérangé par ces « maudites tracasseries » que sont la politique et les intrigues. Il aime la compagnie des laquais et est indifférent aux ragots qui courent sur la reine, en qui il a toute confiance. Celle-ci commence son règne à lâge de 38 ans : elle en parait beaucoup plus, et sefforce de paraître jeune avec des fards et des toilettes décolletées
GODOY, LAMANT
Manuel Godoy y Álvarez de Faria (1767-1851) est issu dune famille noble mais pauvre, il s'engage à 17 ans dans la garde royale et est nommé dans les Gardes du Corps à Madrid comme son frère. Le roi Charles III d'Espagne exilera ce dernier de la cour pour ses avances à la princesse des Asturies, Marie-Louise de Parme !
En 1788, un jour d'escorte sur le chemin de Ségovie, le cheval de Manuel se cabre et le jette au sol et il remonte aussitôt, attirant ainsi par son éclat l'attention du prince et de son épouse. À 21 ans, il est présenté officiellement aux princes des Asturies. Doté d'une belle conversation et d'un certain charme, le jeune homme s'attire affection et amitié et est rapidement le favori du futur roi Charles IV d'Espagne, 40 ans, et devient l'amant de sa femme, Marie-Louise de Parme, 37 ans.
Godoy est beau comme un dieu : grand, teint clair, yeux bleus et regard insolent. Avec ce nouvel amant, la reine redouble de précautions, mais il ne la respecte pas et garde un air supérieur vis-à-vis delle. Emoustillée par cette résistance, elle lui fait cependant de terribles scènes de jalousie lorsquelle apprend quil court les filles à Madrid. Mais elle lui pardonne, car, dans ses bras, Marie Louise connait un plaisir inouï.
Godoy va faire une carrière fulgurante : cadet surnuméraire au Palais royal, en mai 1789 il est promu colonel de cavalerie, en novembre 1789 chevalier de l'ordre de Santiago, en août 1790 commandeur dans le même ordre, en février 1791 aide-de-camp, en mars gentilhomme de la cour, en juillet lieutenant général et chevalier Grand-Croix de l'ordre de Charles III, en 1792 duc d'Alcudia avec la grandesse d'Espagne, en novembre la Toison d'or et au printemps de 1793 le commandement en chef.
En novembre 1792, il devient Secrétaire dEtat, Premier Ministre de lEspagne ! Il devra démissionner suite à une défaite militaire en 1798, mais reviendra au pouvoir dès 1801.
Suivront les titres de duc de Sueca, marquis d'Alvarez, seigneur de Soto de Roma.
Sa faveur suscite des jalousies et des commérages qui prétendent que l'infante Marie-Isabelle, née en 1789, et l'infant François de Paule d'Espagne, né en 1794, ne seraient pas les s du roi mais du favori. La belle-mère de l'infante Marie-Isabelle, la reine de Naples Marie-Caroline d'Autriche, aura plaisir à l'insulter comme étant une « bâtarde épileptique engendrée par le crime et la scélératesse».
Tous les matins, après sa toilette, Charles IV se rend chez le favori, manquant de peu sa femme qui regagne ses appartements. Marie Louise aime dire : « le roi, Godoy et moi formons la Sainte Trinité », le peuple plus prosaïque les rebaptise « le bouc, la putain et le ruffian ».
UN MARIAGE COMME COUVERTURE
Manuel Godoy se pavane bientôt avec sa maîtresse en titre, la belle Pepita Tudo (1769-1869), une fille du peuple devenue lun des modèles du peintre Goya. La reine lapprend, fait des scènes terribles, et Manuel Godoy qui ne supporte pas les critiques, la bat.
Il a été dit par de nombreux historiens que la sulfureuse Pépita fut modèle pour le célèbre tableau de Goya, La Maja nue (« La Maja desnuda »). Ce tableau a formé le pendant avec « La Maja vêtue (La Maja vestida) », datée entre 1802 et 1805, probablement réalisée à la demande de Manuel Godoy, puisqu'il est certain qu'elles faisaient partie d'un cabinet de peintures de sa demeure.
Blessée et humiliée, mais désireuse de conserver lamour de Godoy, la reine fait marche arrière, accepte de le partager et ira même jusquà faire de Pépita une comtesse espagnole.
En 1797, la reine Marie-Louise organise un mariage pour Manuel Godoy, dont elle espère qu'il l'attirera loin de sa maîtresse Pepita Tudó, et en même temps agira comme une couverture pour ses propres relations avec Manuel Godoy.
Le mariage ne met cependant pas fin aux relations entre Godoy et Pepita. Au contraire : Godoy reçoit un énorme règlement financier dans le cadre du mariage, mais il continue à faire vivre sa maîtresse Pepita Tudó dans la même maison que son épouse. Encore un ménage à trois !
LA CHUTE
Limpopularité de Godoy et du couple royal est à son comble, alors que lEspagne pâtit de son double-jeu avec Napoléon.
En mars 1808, une révolte populaire renverse Charles IV au profit de son fils Ferdinand VII et essaye de Godoy. Napoléon fait sauver Godoy par Joachim Murat, en l'envoyant en France, et ne reconnait pas Ferdinand VII.
Après l'entrevue de Bayonne en 1808 où Charles IV d'Espagne échange son trône devenu ingouvernable contre des terres et des revenus en France et où Ferdinand est contraint de renoncer à ses prétentions à la couronne d'Espagne. Napoléon eut beau jeu de desti tout le monde et de faire mettre ces cousins du feu Louis XVI en résidence surveillée au château de Valençay, propriété de son ministre Talleyrand. On prétendit même que la reine, furieuse, traita son fils de « bâtard » !
Napoléon Ier désigne alors son frère Joseph Bonaparte comme roi d'Espagne.
Lincapable Godoy, à qui le faible Charles IV avait laissé tous les pouvoirs, est ainsi un des grands responsables de cette tragédie que fut la guerre dEspagne.
POURSUITE DU MENAGE A TROIS PENDANT LEXIL !
Godoy passe les années suivantes en exil avec Charles IV, Marie-Louise, sa fille Luisa Carlota, issue de son mariage avec María Teresa de Bourbon, Pepita Tudó sa maîtresse, et leur fils Manuel Godoy (son épouse l'ayant quitté depuis longtemps). Ils vivent pendant plusieurs mois à Fontainebleau, puis à Compiègne, puis à Aix-en-Provence. En octobre 1808 ils arrivent à Marseille où ils passent les quatre années suivantes. En juillet 1812 ils s'installent à Rome, où ils vivent dans le Palazzo Barberini.
Cest en fait un véritable ménage à quatre qui va perdurer jusquau décès de la reine en 1819, même si le pape tente déloigner Godoy et sa maîtresse.
Fin 1818, Marie-Louise est atteinte dune pneumonie. Charles IV est absent à Naples, à l'époque. Le roi de Naples a reçu instruction de Ferdinand VII de révéler à son frère crédule la nature des vraies relations entre Marie Louise et Manuel Godoy. A lannonce de la vérité, le vieux roi est effondré : non seulement sa femme la trahi mais elle lui a donné en prime des bâtards, qui sont un coup à son orgueil. Il refuse de retourner à Rome se confronter son épouse et préfère rester à Naples.
Godoy reste près de son lit jusqu'à sa mort le 2 janvier 1819. Cinq jours plus tard, Charles IV d'Espagne écrit à Godoy, lui demandant de quitter le Palazzo Barberini à Rome. Ce serait seulement à la mort de son épouse que lancien roi aurait eu connaissance de ce que tout le monde savait, à savoir la liaison de la reine et de Godoy durant plus de trente ans !
Cest bien entendu difficile à croire, mais cest digne de limage de lâcheté et de veulerie que Charles IV laissera dans lhistoire. Deux semaines plus tard, Charles IV d'Espagne meurt à son tour à Naples.
Godoy ne rentrera jamais en Espagne et mourra, après un long exil, en France.
LA MARIE-ANTOINETTE ESPAGNOLE
Contemporaine de Marie Antoinette, Marie Louise de Bourbon Parme en tant que reine dEspagne avait quelques points communs avec linfortunée reine de France : elle eut comme elle un époux faible et débonnaire, elle perdit son trône à la faveur de la Révolution française, et fut haïe par son peuple qui la soupçonnait des pires débauches.
A la différence de Marie-Antoinette, pour laquelle il y a controverse et qui est considérée comme une martyre par ses partisans et une « salope » par ses détracteurs, il ny a aucun doute sur linconduite de la reine dEspagne. Avant de rencontrer Godoy, elle avait collectionné les amants. Godoy fut son grand amour et, pendant 30 ans, elle lui fût fidèle, acceptant tout de son amant, y compris sa liaison affichée avec la belle Pépita.
A la décharge de Godoy, reconnaissons-lui que la « Maja desnuda » était autrement plus appétissante que la reine dEspagne. Accordons aussi à Godoy, si antipathique que soit le personnage, quil nabandonna pas ses protecteurs, y compris après leur déchéance et alors que le roi Ferdinand VII leur avait coupé les vivres. Cest Godoy, après tout, qui accompagna Marie-Louise dans ses derniers moments.
Marie Louise se laissa gouverner par ses passions, notamment celle quelle avait pour les gardes du corps et risqua son trône et sa dynastie pour lun deux : Manuel Godoy, qui causera sa perte. Mais au soir de sa vie, cest dans les bras de Manuel quelle mourut réalisant ainsi un rêve quaucune reine dEspagne navait pu réaliser : mourir auprès de lêtre aimé
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PRINCIPALES SOURCES
Outre larticle de Wikipédia, jai consulté :
http://www.logpateth.fr/blogpress/?p=169: « les Scandaleuses »
https://www.napoleon-empire.net/personnages/godoy.php
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